SOUVIENS TOI L'ECOLE PUBLIQUE




L'année dernière, beaucoup de facultés, en France, se sont mises en grève contre le rapport de Jacques Attali et le Plan U3M (Université Troisième Millénaire), plan d'harmonisation de l'enseignement supérieur au niveau européen. A l’initiative du ministre Claude Allègre, cette réforme part d'une bonne résolution car l'enseignement supérieur a bien sur besoin d'être réformé (ainsi que tout l'enseignement en général). mais l'harmonisation des études au niveau européen rejoint inévitablement le grand débat actuel de l'harmonisation politique européenne: plus libérale ou plus social-democrate ? Dans tout les cas, et comme l'a dit récemment Lionel Jospin, il faut que l'on abandonne l'idée de changer de société, la loi du marché est bien trop implantée et trop forte pour la changer, il faudra donc adapter notre politique "sociale" au système capitaliste mondial. Donc, l’harmonisation implique que l'on prenne en compte les évolutions de l'enseignement supérieur de nos voisins européens; c'est pour cela que le plan U3M prévoit, certes, mais surtout laisse entrevoir...et l'on peut s'attendre, à terme, à un désengagement financier de l'Etat et donc à un recours massif au financement privé: les entreprises, qui je vous le rappelle, ne fonctionne que sur un seul credo: la rentabilité. Je crains, pour ma part, que rentabilité et enseignement ne fassent pas meilleur ménage qu'aux Etats Unis, et encore... Comme au Royaume-Uni ou en Allemagne, devrons nous payer des frais d'inscriptions variant entre 10 et 20000 francs pour envoyer nos enfants à l'université? Seront-ils obligés de recourir à l'emprunt bancaire ou de travailler dans un fast food pour financer leur cursus? Aurons-nous tous les moyens financiers pour envoyer notre enfant étudier loin de son lieu de domicile, parceque la section qu'il a choisie a été délocalisée dans une grande ville, un "pôle d’excellence" tels que cité dans le rapport, faute de rentabilité. Et tout cela parce que Claude veut " dégraisser le mammouth". Nous avons la chance d'avoir jusqu’à présent un des meilleurs système d'enseignements supérieur au monde, formant des élèves intellectuellement autonomes et ayant reçus un enseignement dont la qualité n'est pas à prouver. la gratuité et l’indépendance de nos universités sont des principes qui sont inscrits dans les traditions politiques de la France. Je pense que ce combat vaut la peine d’être mené, mais l'opinion s'en désintéresse et le poisons a commencé à faire effet dans pas mal d'universités en France, dont Perpignan. alors Claude, si tu veux rapprocher les universités des grandes écoles, au lieu de rendre les universités inaccessibles, s'il te plais, essaye plutôt de démocratiser les grandes écoles. Je tient à signaler, entre autres, que depuis quelques années, une masse importante de grandes entreprises comme Danone, Kellog's, Cocacola (bien sur..) et beaucoup d'autres ont déjà pris d'assaut l'ensemble du système éducatif public français, commençant par le CP, CE1, etc..., en investissant considérablement dans des supports pédagogiques pour contribuer à l'enseignement de nos enfants. la marque Danone éditera, par exemple, quelques centaines de milliers de livrets sur la qualité de la nutrition, que les enseignants et les chefs d'établissement ont légalement le droit d'utiliser. Ces supports contiennent bien sur des logos et autres signes distinctifs de la marque, autant de petits messages subliminaux pour les bambins. Certains enseignants prennent le soin de les enlever, mais pas tous. Sous couvert d'une "action citoyenne" ( AH! AH!), les entreprises préparent les consommateurs de demain, car il est légitime de penser qu'elles attendent un retour sur investissement: ce marché potentiel représente quelques 13 millions de petits portefeuilles, ce n'est pas négligeable (sur ce sujet, je renvoie au Monde Diplomatique(*) d'Octobre 1999) . L'enseignement est notre avenir, mais quel avenir pour l'enseignement? A très bientôt sous les banderoles...



- décembre 1999-



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