LA CHRONIQUE DE ST THOMAS (4eme épisode)



Je rappelle, pour ceux qui auraient manqué les éditions précédentes, que cette rubrique a démarré sur l'adage de St Thomas : "je ne crois que ce que je vois.". J'ai voulu partir de cette petite phrase pour lancer une série de réflexions sur la photographie de presse. L'objectif était de montrer que malgré notre sens critique et notre culture médiatique beaucoup d'entre nous (moi y compris) continuent à se laisser berner (et bercer) par le discours des instances chargées de nous transmettre de l'information sur le monde dans lequel nous vivons.

Cette fois-ci nous allons essayer de comprendre pourquoi notre jugement à l'égard de l'image semble si peu porté à la critique et au discernement. Nous verrons que cette disposition d'esprit nous vient probablement d'un long conditionnement culturel scrupuleusement diffusé par l'Eglise et L'Etat...

Et si l'image était notre plus ancien moyen de communication ?

Les plus vieilles images que nous ayons découvertes sont antérieures d'environ 10 000 ans aux premières traces d'écritures. Les données de l'archéologie sont précaires, car il suffirait d'une seule découverte pour contredire cela. Mais partons tout de même sur cette hypothèse.

L'Homme a commencé à dessiner avant de savoir lire et écrire. Ce qui peut paraître logique si l'on observe notre évolution individuelle (l'enfant dessine avant d'écrire). Pourtant une première question se pose : L'Homme pensait-il les choses qui l'entourent de la même façon, avant d'utiliser l'écriture ?

Bien évidemment, cette question en amène une quantité d'autres. Partons donc sur la piste qui concerne notre réflexion : La production d'image constitue une forme d'expression antérieure à l'écriture. Et, dès l'apparition de l'écriture cette production semble avoir changé de rôle : L'expression écrite aurait peut-être changé le sens que l'Homme primitif donnait à l'image qu'il créait.

La deuxième constatation que l'on peut faire est que, jusqu'à une période récente (XVIIIème siècle), la majeure partie des images produites par l'Homme sont des représentations allégoriques (de choses abstraites comme, Dieu, le Courage, la Vérité, Le Bien, le Mal, etc... incarnées dans des personnages, des objets ou des scènes). Les Hommes semblent avoir voulu dessiner certaines de leurs idées ; mais pour qui et pourquoi ?

Il faut préciser ici que la fonction décorative de l'image est très tardive. Avant l'époque Moderne (XVème-XVIIIème) les dessins, les tableaux, les gravures, les fresques sont considérés globalement comme des outils d'enseignement et non comme des objets à caractère décoratif.

On peut supposer alors que l'image, après avoir été un outil de représentation de la pensée symbolique, est devenue le premier outil pédagogique. On pouvait, avec l'image, faire envisager des idées complexes à celui qui ne savait pas lire les textes.

Or, si l'on regarde la production d'image avant l'époque Moderne, on constate que la plus grande partie concerne la mise en scène des éléments religieux et sacrés dans les lieux où les dogmes se transmettent au public. Il faut noter ici que le procédé qui consiste à simplifier le message pour pouvoir le transmettre massivement est également celui de la propagande.

L'image aurait été, pendant des siècles, l'outil de la propagande spirituelle et politique (l'Eglise ayant été liée à l'Etat durant toute une partie de notre Histoire). L'artisan, vers le XVIIIème, s'est émancipé de celui qui lui imposait la teneur de ses compositions (le prêtre, le prince) pour obtenir un réel statut social et une liberté relative dans son travail : il est alors devenu Artiste et l'image a rempli d'autres fonctions dans la société (celle, par exemple, de la représentation de l'individu ; apparition du portrait privé vers la fin du XVIIIème). Mais la première fonction de l'image, celle d'informer (et de former) les masses, a perduré ; certains graphistes ayant choisi de rester des artisans (L'Etat paye sûrement mieux que les bourgeois, amateurs d'Art).

Saint Thomas

-été 2000-




retour à la page de présentation